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Dans le cadre de la deuxième Journée nationale de lutte contre l’homophobie, différentes activités ont été organisées auxquelles plusieurs invités importants ont participé. Tous ont déclaré leur appui à la lutte contre les préjugés. Martin Cauchon, ancien ministre de la Justice du Canada, a reçu un certificat d’honneur pour son engagement. Dans la longue marche pour que les gais et lesbiennes obtiennent les mêmes droits que les hétérosexuels, il a occupé une place importante, puisqu’il est le « père » de l’avant-projet de loi sur le mariage gai. En marge de l’événement, Martin Cauchon a accepté de répondre aux questions de La Voix du Village.

L’ancien ministre de la Justice pratique maintenant le droit au sein de la firme d’avocats Gowling Lafleur Henderson LLP et participe à quelques conseils d’administration. Bien qu’il se soit retiré pour le moment de la vie politique, des rumeurs selon lesquelles il pourrait entrer à nouveau dans l’arène électorale vont bon train. Sous son mandat comme ministre de la Justice, il s’est occupé de plusieurs dossiers « chauds » tels que la décriminalisation du cannabis, la prostitution et le mariage gai. Cet homme est un véritable passionné de l’égalité et se définit de centre-gauche parce qu’il a à cœur les politiques sociales. Certes, travailler sur le dossier du mariage gai n’a pas toujours été chose facile, mais il était hors de question pour lui de ne pas s’en occuper. « Il est important de mettre un terme à certaines hypocrisies sociales. Les homosexuels ont un amour tout aussi sincère que les hétérosexuels, ils sont dans la société et sont des compatriotes, il faut leur donner leur place. »

Le mariage entre conjoints de même sexe est un sujet qui partage l’opinion publique. Selon un sondage Léger Marketing, 47 % des Canadiens s’opposent au mariage entre conjoints de même sexe, alors que 43 % se disent favorables. « On est confronté à des difficultés énormes lorsqu’on se lance dans un dossier où la population est partagée. Il est certain que j’ai été confronté à l’homophobie à cause de ce que je véhiculais, mais il y a aussi des personnes qui refusaient cela à cause de leurs valeurs personnelles, qu’il faut aussi respecter. C’est là que le débat a été important. J’y croyais fondamentalement à cette cause, le droit au mariage pour les gais est pour moi un enjeu des droits de la personne. C’est tout à fait normal de le défendre, on s’est donné des valeurs dans la Charte et il faut s’assurer qu’on puisse les appliquer, car c’est un pas qui va enrichir la société au complet. »

Pour lui, sa position de ministre de la Justice a contribué à l’évolution de ce dossier : « Certains pensent que la classe politique ne doit pas changer la société et que c’est aux tribunaux de décider. Je crois par contre que c’est notre devoir de lancer des débats. On a au Canada une démocratie idéale pour ça, nous avons eu un débat ouvert, mature et courtois sur un enjeu important. Je ne suis pas certain que ça aurait pu fonctionner comme ça ailleurs. Je pense que si nous allons du côté du mariage gai, c’est parce que le mariage est en 2004 une pierre angulaire de notre société. Il faut faire en sorte que le mariage continue à être une institution qui reflète notre société, ouverte et inclusive. J’ai eu au début des difficultés politiques, mais ma stratégie m’a permis de les surmonter et j’ai fini par avoir un bon appui du gouvernement, parce que j’étais très préparé. »

Ses valeurs morales l’ont toujours guidé dans ses choix politiques : « Mes valeurs rejoignent les principes de la Charte, ce sont des valeurs universelles qui me guident : le respect, l’ouverture et l’inclusion. J’ai été le premier ministre de la Justice à avoir grandi à l’ère de la Charte, que j’ai étudiée à l’université. C’est pour moi important de faire respecter ces principes, si l’on veut que notre société évolue. Je pense qu’à l’avenir il y aura de plus en plus de personnes comme moi. » Son ouverture d’esprit et sa soif de justice viennent aussi de l’éducation qu’il a reçue de sa famille. « J’ai été élevé dans une famille très ouverte et respectueuse des gens. Peu importe qui on est, il faut être respecté. Mon père a toujours dit : “Peu importe ce que l’on fait, on est tous un maillon de cette société”. »

La Journée nationale de lutte contre l’homophobie lui a laissé un très bon souvenir, non seulement à cause du prix qu’il y a reçu, auquel il ne s’attendait pas et qu’il apprécie, mais aussi parce qu’on y a présenté un plan de lutte contre l’homophobie : « Le travail de la Fondation Émergence est très important. Pour contrer l’homophobie, il faut sensibiliser et faire comprendre la situation des homosexuels. L’homophobie est encore présente sous plusieurs formes. C’est un combat d’éducation qui vise à ce que les valeurs n’existent pas que sur papier. Vaincre l’homophobie est une bataille de société que nous devons mener et gagner ensemble. Au cours des dix dernières années, à force de travail et de discours, on a réussi à faire avancer les choses. » Il est convaincu qu’il sera possible de faire progresser la société par l’éducation et par l’information dans tous les secteurs. Avec l’acceptation des mariages gais, l’évolution des droits accompagnera l’évolution sociale. « Ces deux éléments doivent se mener de front. Il est primordial dans un contexte de mondialisation que le Canada ait une personnalité propre, une société forte et rayonnante de par le monde. Donnons-nous une notion de société qui va nous distinguer, une vision qui est celle que nous voulons. Il faut plus de respect pour les droits fondamentaux. »

Bien que Martin Cauchon ne soit pas en politique pour le moment, son enthousiasme et sa passion pour les causes de notre société ne l’ont pas abandonné. C’est une personne pleine d’énergie qui croit dans ce qu’il fait. Son travail dans le dossier du mariage gai a permis de franchir un pas de plus vers l’égalité et vers une société plus ouverte. Reste à voir ce qui suivra maintenant que le chemin a été défriché.